PÉNITENTIAIRE (TRAITEMENT)

PÉNITENTIAIRE (TRAITEMENT)
PÉNITENTIAIRE (TRAITEMENT)

Par «traitement pénitentiaire», on entend communément, de nos jours, l’ensemble des procédés mis en œuvre à l’égard des délinquants dans l’objectif d’éviter qu’ils persistent dans leurs agissements répréhensibles, une fois la condamnation subie. (Il n’est pas question ici du régime de détention des prévenus, c’est-à-dire des individus incarcérés dans l’attente du jugement. Ceux-ci, en raison de la présomption d’innocence dont ils bénéficient, ne peuvent, dans la conception dominante, être soumis à un «traitement» contre leur gré.) L’expression n’est pas sans prêter à équivoque. Le terme «traitement» peut laisser entendre qu’il s’agit d’une thérapeutique médicale, et il introduit une confusion entre la délinquance et la maladie, qui n’a pas manqué d’alimenter une controverse, toujours vivace en doctrine. Aux tenants de la conception classique de la peine-châtiment, à fondement tout à la fois moral et utilitaire, s’opposent en effet ceux qui sont enclins à penser qu’il ne sert à rien de punir, parce que le comportement de l’homme est essentiellement lié à son conditionnement physique et nerveux et au milieu dans lequel il vit. Pour ces derniers, la criminalité est avant tout une «maladie sociale» et, davantage que la punition, la protection de la société contre le criminel serait plus légitimement et plus efficacement assurée par des mesures qui, dépouillées de toute coloration morale, se proposeraient surtout de guérir le délinquant de ses tendances antisociales ou, si cet espoir s’avérait vain, de l’éliminer du milieu social.

Dans la pratique, la plupart des pays retiennent le principe de la sanction comme fondement de leur système pénal. Les mesures prises à l’encontre des délinquants (tout au moins des adultes) continuent de s’inscrire dans le cadre d’une peine ordonnée par le juge en fonction de la gravité objective de l’infraction commise et de la responsabilité morale du délinquant, mais – et c’est l’apport moderne – elles présentent également le caractère d’un traitement en ce qu’elles s’inspirent soit dans leur conception même, soit le plus souvent dans leurs modalités d’exécution, du souci d’améliorer le comportement social de l’intéressé en agissant sur sa personnalité par les moyens les plus appropriés. Les moyens techniques utilisés n’excluent pas les thérapeutiques médicales et psychiatriques. On n’hésitera pas à y recourir lorsqu’une relation aura pu être établie entre le comportement délictueux et des perturbations neurophysiologiques. Dans la généralité des cas cependant, le traitement a le caractère d’une action éducative faisant appel aux méthodes pédagogiques générales. On s’efforcera de préserver le délinquant des influences néfastes de son milieu en lui fournissant une assistance morale et spirituelle; on complétera sa formation scolaire et professionnelle, on lui donnera l’habitude du travail; on lui apprendra à utiliser ses loisirs. «Le traitement pénitentiaire, a dit un éminent spécialiste belge, consiste à donner à un détenu adulte la formation générale qu’il aurait dû recevoir» (P. Cornil). Il s’agit là d’une attitude nouvelle à l’égard du délinquant. Se traduisant par un effort positif en vue de faire de lui un être socialement utile, elle contraste avec l’attitude purement défensive adoptée jusqu’alors.

Sous ce dernier rapport, l’adjectif «pénitentiaire», qui qualifie le traitement en question, risque lui aussi d’entretenir une confusion. Il incite à penser que ce traitement est inséparable de la prison. Historiquement, le fait est exact: ce n’est qu’avec l’avènement de la peine privative de liberté, vers la fin du XVIIIe siècle, que s’est affirmée l’idée de soumettre le condamné à une action éducative destinée à favoriser son amendement, et c’est, à l’origine, exclusivement dans les établissements pénitentiaires que cette idée a été mise en pratique. Cependant, ce n’est plus le cas au stade actuel de l’évolution des institutions pénales. La prison n’a plus le monopole du traitement du délinquant. L’accentuation de la fonction éducative de la peine, entendue comme une action menée en vue de favoriser le reclassement social du condamné, et les difficultés auxquelles s’est heurtée la réalisation de ce dessein en milieu fermé ont conduit à concevoir de nouveaux procédés de traitement en milieu libre, de sorte que l’expression «traitement pénitentiaire» recouvre aujourd’hui aussi bien les modalités d’exécution de l’emprisonnement que les diverses mesures simplement restrictives de liberté, ou même, dans certaines législations, restrictives de droits, substituées à la privation de liberté.

Évolution des objectifs et des méthodes pénitentiaires

L’utilisation de l’emprisonnement en tant que sanction pénale est d’origine relativement récente. C’est en effet seulement depuis la réforme pénale concomitante à la Révolution française, et à laquelle restent attachés les noms de Cesare Bonesana, marquis de Beccaria, et de Jeremy Bentham, que la privation de liberté est venue remplacer les châtiments corporels qui, jusqu’alors, tenaient la place la plus importante dans l’arsenal répressif. Elle répondait aux préoccupations humanitaires de l’époque et paraissait également offrir le plus de ressources pour atteindre les différents objectifs assignés à la peine et singulièrement, outre l’intimidation collective et une efficace protection sociale, l’amendement du condamné. Que fallait-il entendre par amendement? En deux siècles, le contenu de la notion s’est transformé. À l’origine, amendement était synonyme d’amélioration morale; cette dernière était recherchée dans les conditions afflictives de la détention dont on espérait que la sévérité inciterait le détenu au repentir, ou du moins lui inspirerait la crainte salutaire d’une nouvelle condamnation. Cependant, les responsables des services pénitentiaires n’ont pas été les derniers à s’apercevoir que les régimes plus rigoureux ne contribuaient pas toujours à améliorer le détenu et que bien des condamnés quittaient la prison plus endurcis et plus enracinés dans la délinquance qu’ils ne l’étaient en entrant. Dans tous les pays, un effort a dès lors été entrepris pour humaniser la prison. De nouveaux établissements ont été construits, les anciens ont été rénovés, les conditions de vie des détenus ont été améliorées, la discipline s’est assouplie, la règle du silence a été abolie, le travail a été rendu moins pénible et des loisirs ont été organisés.

Dans le même temps, les théories répandues au siècle dernier par Cesare Lombroso, Enrico Ferri et Raffaele Garofalo faisaient leur chemin. Bien qu’elles fussent loin de recueillir une adhésion unanime, l’on en retenait qu’il était au moins aussi important de prévenir le crime que de punir le criminel. On déduisait de cette conviction que le meilleur moyen de protéger la société contre le renouvellement des agissements délictueux consistait à faire du détenu un être socialement utile en se servant de la peine pour le préparer à mener une existence normale. Ainsi, amender le détenu ne signifiait plus seulement lui forger une conscience morale dont il était le plus souvent dépourvu, cela voulait dire aussi lui donner une formation et des habitudes telles qu’une fois sorti de prison il aurait la volonté de se comporter honnêtement, ainsi que les aptitudes nécessaires pour y parvenir.

Laissée tout d’abord à l’initiative des autorités pénitentiaires, cette orientation sociale de la peine a été, depuis la Seconde Guerre mondiale, officiellement consacrée tant sur le plan national qu’international. On la trouve exprimée en ces termes dans les Règles minima pour le traitement des détenus , diffusées en 1955 à Genève par le Ier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants: «Le but et la justification des peines et mesures privatives de liberté sont, en définitive, de protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible que le délinquant une fois libéré soit non seulement désireux mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins.» Sans attendre cette recommandation, certains pays avaient déjà fait de la rééducation sociale en même temps que morale du délinquant un impératif légal (la Suisse en 1937, la Suède en 1945), voire constitutionnel (Allemagne fédérale, Italie, ainsi que différents États d’Amérique latine). En France, dès 1944, une Commission de réforme des institutions pénitentiaires avait formulé un certain nombre de principes qui furent mis en pratique sans tarder et dont le premier énonçait que «la peine a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné». Cette définition figurait à l’article 728 al. 2 du Code de procédure pénale de 1958. La loi du 22 juin 1987, tout en supprimant cette phrase du Code, reformulait la mission du service public pénitentiaire qui «favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire» et «est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines». La fonction de resocialisation a fini par animer l’exécution de presque toutes les mesures privatives de liberté, aussi bien les peines criminelles que les peines correctionnelles, aussi bien les mesures prises à l’égard des délinquants occasionnels que celles s’adressant aux criminels récidivistes. L’histoire de la « relégation » en France en fournit le meilleur exemple. Visant à protéger la société contre les multirécidivistes dangereux, la relégation se présentait primitivement comme une mesure d’éloignement définitif du milieu social, exécutée dans les colonies dans un premier temps, puis dans des établissements pénitentiaires métropolitains. Avant de disparaître complètement de la législation française en 1981, la relégation avait pris, elle aussi, par le biais de la libération conditionnelle, le sens d’une mesure de rééducation et de réadaptation sociale sous la forme d’une «tutelle pénale», conçue comme un véritable traitement auquel le condamné est successivement soumis en institution, puis en liberté surveillée.

Il est non moins remarquable que les pouvoirs publics ne se sont pas contentés d’aménager l’emprisonnement en apprentissage de la liberté, mais qu’ils se sont préoccupés du sort du condamné après l’accomplissement de sa peine. Dans la conviction que tout effort de rééducation durant la détention risque d’être vain si le détenu reste livré à lui-même à sa libération, l’administration intervient désormais, dans bien des pays, pour fournir aux détenus libérés une assistance postpénale consistant à les aider moralement et matériellement, tout en les soumettant à un contrôle destiné à vérifier leur reclassement.

La problématique du traitement

À ce stade de l’évolution, de sérieux doutes sont nés sur l’aptitude de la mesure privative de liberté à remplir le rôle socio-éducatif qui lui était attribué. L’emprisonnement de courte durée a été critiqué en premier. On lui a reproché d’être «un remède pire que le mal». Il peut se révéler nocif pour l’intéressé qui, livré à une fâcheuse promiscuité, risque de se corrompre au lieu de s’amender. Il est le plus souvent désastreux pour la famille qui perd son soutien et ses moyens d’existence et se voit désignée à l’opprobre public. Au demeurant, comment envisager sérieusement d’exercer une action éducative efficace dans un court laps de temps? Ces objections ont été suffisantes pour faire admettre que la personnalité de certains délinquants, qui ne présentaient pas un grand danger pour la société, ne rendait pas indispensable le recours à la prison. Aussi s’est-on attaché, dans de nombreux pays, à trouver des solutions de remplacement à l’emprisonnement, l’incarcération étant soit limitée, soit suspendue, soit totalement exclue.

Parmi les solutions qui conservent un certain rôle à la privation de liberté, on peut citer: les arrêts de fin de semaine ou des mesures analogues, dont il est fait usage notamment en Allemagne fédérale, en Belgique et en Grande-Bretagne; l’emprisonnement discontinu pratiqué dans certains États d’Amérique et d’Europe, notamment en Pologne; la semi-détention connue en Belgique, les arrêts à domicile; et surtout le sursis avec mise à l’épreuve, qui, de toutes ces solutions, est la plus achevée et la plus répandue. Cette dernière institution, qui a trouvé son origine dans la probation des pays anglo-saxons, s’analyse en une suspension conditionnelle de la peine, assortie de mesures d’assistance et de contrôle. Dans certaines législations le sursis probatoire est octroyé d’autorité par le juge, dans d’autres il est appliqué d’un commun accord avec le délinquant. Tantôt c’est le prononcé même de la sentence qui est différé dans l’attente du résultat de l’épreuve, tantôt une peine d’emprisonnement est prononcée et c’est son exécution qui est suspendue. Le délinquant sera quitte s’il se conduit bien pendant la durée de l’épreuve et exécute les conditions qui lui ont été imposées. Celles-ci consistent en un ensemble de mesures auxquelles il doit se soumettre afin de prouver son amendement. Leur exécution est contrôlée par l’autorité judiciaire, assistée à cette fin par un «agent de probation». Les obligations généralement imposées sont: répondre aux convocations du juge ou de l’agent de probation, justifier de ses moyens d’existence et de la stabilité dans son travail et prévenir de ses déplacements. Le délinquant peut également se voir imposer l’obligation de suivre un enseignement, une formation professionnelle, ou encore une cure médicale, de s’acquitter de ses charges familiales, de réparer les dommages causés par l’infraction. Il peut lui être interdit de conduire certains véhicules, de fréquenter certaines personnes ou certains lieux.

Par ces divers procédés, on espère influencer utilement le comportement et la mentalité du délinquant sans l’exposer aux conséquences néfastes d’une rupture prolongée avec le milieu familial, social et professionnel. Parmi les solutions qui excluent la privation de liberté et se traduisent par des mesures simplement restrictives de liberté ou de droits, il faut encore citer la « prestation pénale» qui remplace les courtes peines d’emprisonnement par des journées de travail (tel le système espagnol du «rachat des peines par le travail», où deux journées de travail manuel ou intellectuel équivalent à un jour de prison), le travail d’intérêt général au profit d’une collectivité publique, d’un établissement public ou d’une association (Angleterre, État de New York, Québec et France) ainsi que les «jours-amendes», calculés en fonction des revenus du délinquant, qui d’abord prévus par les législations des pays scandinaves, la république fédérale d’Allemagne et l’Autriche le sont également depuis 1983 par la législation française. Les interdictions d’exercer certaines activités ainsi que le retrait du permis de conduire viennent compléter utilement, dans certains cas, l’éventail des mesures substituées aux courtes peines d’emprisonnement.

Cependant, les reproches adressés à la peine privative de liberté ne se sont pas limités à ces dernières. Au-delà de celle de ces peines, c’est l’efficacité de tout système carcéral au regard de l’objectif de reclassement social qui a été mise en doute. Sous ce rapport, on n’a pas manqué de relever l’étrange paradoxe sur lequel repose le traitement en établissement. N’est-il pas utopique de nourrir l’ambition de donner au délinquant le sens de ses responsabilités sociales et de l’adapter aux exigences de la vie en société en le soumettant à une ségrégation prolongée qui le retranche du reste du monde et a nécessairement sur lui un effet dépersonnalisant et désocialisant? On a dit, non sans humour, que «préparer en prison le retour à la liberté équivaut à s’entraîner en vue d’une course en gardant le lit pendant des semaines».

Quelle que soit la valeur de ces objections et les aléas du traitement en institution, il n’en reste pas moins que tous les délinquants ne peuvent être laissés en liberté, cette liberté serait-elle contrôlée. À défaut d’autre moyen de neutralisation, l’incarcération demeure et demeurera sans doute longtemps l’ultima ratio . Du moins s’efforce-t-on, dans toute la mesure compatible avec la sécurité de l’établissement, de réduire les différences qui peuvent exister entre la vie à l’intérieur des murs et la vie normale, et de multiplier les contacts du détenu avec le monde extérieur (visites, lecture des journaux, radio, télévision). En outre, on est désormais rallié à l’idée que la détention ne devrait durer ni moins longtemps ni plus longtemps qu’il est nécessaire. Au siècle dernier, A. Bonneville de Marsangy préconisait le système des sentences indéterminées: le juge condamnera le délinquant à l’emprisonnement sans fixer d’avance la durée de la peine. Tel un malade à l’hôpital, le condamné restera détenu jusqu’au jour où il sera reconnu qu’il peut sortir sans danger pour la société. Inaugurée à la fin du siècle dernier dans le cadre de la prison d’Elmira, la pratique des sentences indéterminées s’est rapidement répandue aux États-Unis et dans les États scandinaves, notamment à l’égard des mineurs et des habitudinaires de la délinquance. Dans d’autres pays, la France en particulier, ce système s’est heurté à une vive opposition car on y a vu une grave menace pour la liberté des individus. Restés fidèles au principe d’une peine déterminée par le juge, dans la limite d’un maximum et d’un minimum fixés par la loi, ces pays ont cherché une solution dans l’aménagement des modes d’exécution de la longue peine privative de liberté. En fait, grâce à la libération conditionnelle accordée lorsque le détenu présente des signes d’amendement suffisants, la peine d’emprisonnement prononcée n’est plus que rarement celle effectivement subie. Cette libération est elle-même précédée d’un ensemble de mesures destinées à replacer progressivement le condamné dans les conditions de la vie normale (travail en chantier extérieur, placement dans une prison ouverte, semi-liberté, etc.). Seul le dispositif de la période de sûreté, au cours de laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune de ces mesures, est susceptible d’interdire toute réinsertion puisque les modifications successives qu’il a connues depuis la loi du 22 novembre 1978 n’ont pas cessé de l’aggraver jusqu’à instituer une peine dite incompressible, où période de sûreté et durée de la peine peuvent s’équivaloir (loi du 1er février 1994 modifiant les art. 221-3 et 221-4 du Code pénal de 1992). Tout en validant cette loi soumise à son contrôle, le 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel rappelait dans un considérant de principe que «l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion».

Modalités pratiques du traitement en établissement

Le désir d’individualiser le traitement en l’adaptant autant que possible au cas particulier de chaque délinquant s’est traduit par l’aménagement des régimes de détention sans plus se soucier des distinctions que le Code pénal, dans beaucoup de pays, continue d’établir entre les peines privatives de liberté selon la gravité de l’infraction commise. Ce mouvement d’unification des peines privatives de liberté a notamment rendu caduque la distinction classique entre les peines criminelles et les peines correctionnelles. Les unes et les autres peuvent être désormais exécutées dans les mêmes établissements et sous les mêmes régimes.

La répartition des détenus et leur affectation dans les divers établissements se font généralement en tenant compte, non plus de la nature juridique de la peine à subir, mais de la personnalité des intéressés, telle qu’elle apparaît à travers leur âge, leurs antécédents, leurs caractéristiques physiologiques et psychologiques, le danger social qu’ils représentent et leurs chances d’amendement. D’où l’importance prise par l’observation du détenu, véritable clé de voûte des systèmes pénitentiaires modernes. Elle est pratiquée de plus en plus systématiquement dans des centres spécialisés (le Centre national d’orientation de Fresnes, en France, les Centres de diagnostics ou Instituts de classification d’autres États d’Europe ou d’Amérique). Le détenu est soumis à des examens tant biosomatiques que psychiatriques et psychotechniques, complétés par une enquête sociale détaillée visant à connaître ses antécédents familiaux, le milieu dans lequel il a vécu, l’éducation et la formation qu’il a reçues. Le diagnostic ainsi établi permettra de formuler un pronostic sur ses possibilités de réadaptation et de décider de son affectation dans tel ou tel établissement. Ces derniers eux-mêmes ont été aménagés en fonction de la catégorie de condamnés qu’ils sont appelés à recevoir et du traitement auquel on entend les soumettre: certaines prisons sont réservées aux jeunes délinquants, d’autres aux adultes, d’autres encore aux détenus malades ou anormaux, ou à des types particuliers de récidivistes; à côté des «maisons de force» de type classique, il existe des prisons-écoles et des centres d’apprentissage. Dans cette gamme d’institutions, on trouvera des prisons à sécurité maximale, comme des «prisons sans barreaux». Grâce à cette diversité, il est pensable d’individualiser le traitement pénitentiaire dans toute la mesure compatible avec une organisation qui est nécessairement collective et dispose de moyens limités.

Les régimes de détention ont également évolué. Au XIXe siècle, on avait discuté des mérites respectifs de l’emprisonnement cellulaire et de l’emprisonnement en commun. Les systèmes «mixtes» étaient destinés à pallier à la fois les inconvénients de l’isolement total et ceux de la promiscuité, et consistaient à placer les détenus en cellule la nuit et à les faire travailler en commun durant la journée. Ces systèmes étaient eux-mêmes imparfaits parce que, établis une fois pour toutes, ils ne ménageaient pas d’ordinaire de transition entre la prison et la liberté. On a alors imaginé les régimes dits progressifs qui permettent une préparation graduelle au retour à la vie libre, et vont de la claustration totale, pratiquée en début de peine, à la libération conditionnelle, en passant par des étapes successives d’adoucissement de la peine.

Mettre l’accent sur la vocation éducative de la peine a également entraîné une profonde modification des méthodes d’action. Il va sans dire que le travail reste la base du traitement éducatif; toutefois, il est aujourd’hui compris non plus comme une punition, mais comme pouvant présenter un intérêt pour le condamné: salaire approchant la normale dans le meilleur des cas, apprentissage d’un métier s’il en est dépourvu. La formation professionnelle qui doit faciliter le reclassement du condamné à la fin de sa peine est un des éléments essentiels du traitement des jeunes délinquants. Ces programmes de traitement font également place à l’instruction générale, particulièrement utile à une population pénitentiaire qui comprend une importante proportion d’illettrés ou de gens n’ayant qu’une instruction rudimentaire, et à la formation socio-morale, à laquelle s’emploie un personnel spécialisé d’éducateurs dont le rôle principal est d’amener le condamné à «vouloir» s’amender.

Les techniques utilisées procèdent à la fois de méthodes pédagogiques courantes et de méthodes psychologiques particulières adaptées aux conditions spéciales de l’existence carcérale (psychothérapie individuelle et psychothérapie de groupe).

Le loisir étant devenu un élément de la vie sociale contemporaine, la notion de loisir a, elle aussi, pénétré la prison. Appliquée au régime pénitentiaire, elle prend la signification d’activités récréatives et culturelles pour le bien-être physique et moral des détenus. Ces activités peuvent être individuelles ou collectives. Dans ce dernier cas, elles sont généralement dirigées (conférences, projections cinématographiques, représentations théâtrales, auditions musicales, jeux et sports collectifs). L’activité de loisir est appelée ainsi à rejoindre l’activité éducative, fondement du régime pénitentiaire contemporain.

Tout cela tend à modifier peu à peu la physionomie de la prison. Son architecture est désormais moins sévère et laisse pénétrer l’air et la lumière; la cellule individuelle a remplacé le dortoir sans hygiène, la salle de classe s’est substituée à la salle de discipline, la bibliothèque invite à la lecture et les terrains de sports permettent les exercices du corps.

En ce qui concerne le personnel, le changement n’est pas moins sensible. Une des innovations essentielles a consisté à associer les magistrats à l’exécution de la peine. C’est à présent chose faite dans la plupart des pays (par exemple, l’existence du « juge de l’application des peines», en France). L’autorité judiciaire ne se contente plus de prononcer la condamnation, elle suit «l’homme jusqu’au bout du tunnel». Le personnel administratif a, lui aussi, changé de visage. Le gardien a cédé la place au surveillant, et celui-ci n’a plus seulement pour fonction d’assurer le bon ordre et la discipline au sein de l’établissement; il prend part aux tâches de rééducation qui sont plus particulièrement confiées à des équipes d’éducateurs ayant reçu une formation particulière dans une école spécialisée.

Ce qui est enfin à souligner, c’est que les portes de la prison se sont ouvertes à un nombre croissant de personnes dont les activités n’avaient rien de pénitentiaire jusque-là. Avec le médecin et l’aumônier, qui sont présents depuis la fondation, les assistants sociaux, les psychologues, les psychiatres ont maintenant accès auprès des détenus. Ils apportent avec eux leurs propres méthodes d’investigation et de traitement. À n’en point douter, cet apport extérieur a vivifié l’administration pénitentiaire et n’a pas été la moindre cause de sa transformation dans tous les pays.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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